Kindle Price: | 774.96 |
inclusive of all taxes | |
Sold by: | Amazon Asia-Pacific Holdings Private Limited |

Download the free Kindle app and start reading Kindle books instantly on your smartphone, tablet or computer – no Kindle device required. Learn more
Read instantly on your browser with Kindle for Web.
Using your mobile phone camera, scan the code below and download the Kindle app.
Les bords de la fiction (LIB DU .XXI. S.) (French Edition) Kindle Edition
On le sait depuis Aristote : ce qui distingue la fiction de l'expérience ordinaire, ce n'est pas un défaut de réalité mais un surcroît de rationalité. Elle dédaigne en effet l'ordinaire des choses qui arrivent les unes après les autres pour montrer comment l'inattendu advient, le bonheur se transforme en malheur et l'ignorance en savoir.
Cette rationalité fictionnelle a subi à l'âge moderne un destin contradictoire. La science sociale a étendu à l'ensemble des rapports humains le modèle d'enchaînement causal qu'elle réservait aux actions d'êtres choisis. La littérature, à l'inverse, l'a remis en cause pour se mettre au rythme du quotidien quelconque et des existences ordinaires et s'installer sur le bord extrême qui sépare ce qu'il y a de ce qui arrive.
Dans les fictions avouées de la littérature comme dans les fictions inavouées de la politique, de la science sociale ou du journalisme, il s'agit toujours de construire les formes perceptibles et pensables d'un monde commun. De Stendhal à João Guimarães Rosa ou de Marx à Sebald, en passant par Balzac, Poe, Maupassant, Proust, Rilke, Conrad, Auerbach, Faulkner et quelques autres, ce livre explore ces constructions au bord du rien et du tout.
En un temps où la médiocre fiction nommée " information " prétend saturer le champ de l'actuel avec ses feuilletons éculés de petits arrivistes à l'assaut du pouvoir sur fond de récits immémoriaux d'atrocités lointaines, une telle recherche peut contribuer à élargir l'horizon des regards et des pensées sur ce qu'on appelle un monde et sur les manières de l'habiter.
Né à Alger en 1940, Jacques Rancière est professeur émérite de philosophie à l'université Paris VIII. Il a consacré de nombreux ouvrages aux relations entre politique, art et littérature. Il a notamment publié au Seuil, dans " La Librairie du XXIe siècle ", Courts voyages au pays du peuple (1990), Les Mots de l'Histoire (1992), La Fable cinématographique (2001) et Chroniques des temps consensuels (2005).
Prix des Savoirs 2017
- LanguageFrench
- PublisherLe Seuil
- Publication date25 October 2017
- File size451 KB
Product details
- ASIN : B07572PQ7M
- Publisher : Le Seuil (25 October 2017)
- Language : French
- File size : 451 KB
- Text-to-Speech : Enabled
- Screen Reader : Supported
- Enhanced typesetting : Enabled
- Word Wise : Not Enabled
- Print length : 178 pages
- Page numbers source ISBN : 2021296555
- Customer Reviews:
About the author

Jacques Rancière is Emeritus Professor of Philosophy at the University of Paris-VIII. His books include The Politics of Aesthetics, On the Shores of Politics, Short Voyages to the Land of the People, The Future of the Image, and The Nights of Labor.
Customer reviews
Top reviews from other countries

Les principes aristotéliciens de la rationalité fictionnelle forme encore aujourd’hui la matrice stable du savoir que les sociétés produisent d’elles-mêmes. Ils permettent de dire comment en généralité les choses peuvent arriver. Les évènements selon ces principes en effet n’arrivent pas par hasard, ils sont la conséquence nécessaire de causes et d’effets. Le malheur et le bonheur du héros tragique aussi ne sont-ils pas des fatalités imposées par les Dieux mais les conséquence d’erreurs et de vérités. Simultanément également, l’effet doit être alors contraire à ce qu’il laissait attendre et révélateur de quelque chose. La rationalité de la fiction est qu’un état mène à l’état inverse – prospérité et infortune, attendu et inattendu – et que du même coup ce qui était ignoré devient connu. Il s’agit de montrer comment des causes produisent des effets en inversant les apparences et les attentes, comment la prospérité nous attend au terme des épreuves subies ou le désastre au terme des illusions du bonheur. Les principes aristotéliciens sont ceux d’une causalité paradoxale où la vérité s’impose comme le retournement de ce que les apparences laissaient attendre. Cette rationalité causale de plus ne doit concerner que ceux qui agissent et qui peuvent attendre quelque chose de leur action. Pour elle, la plupart des humains n’agissent pas et donc la réalité fictionnelle ne devrait concerner qu’une très petite partie des gens et de leurs activités. Elle ne serait concerner la masse des êtres et des situations appartenant à l’univers répétitif des choses et des évènements matériels qui viennent simplement les uns après les autres sans créer d’attente, ni susciter d’erreurs, ni générer évidemment des renversements de fortune.
Ce sont les mutations de cette épistémè classique à l’origine du récit occidental, qu’au long cours de brillantes lectures, Jacques Rancière traque dans son ouvrage. La science sociale et la littérature à l’âge moderne ont en effet opéré une transformation déterminante de la réalité fictionnelle ancienne. Ce qui les fonde toutes les deux désormais, science sociale et littérature, c’est l’abolition de la division qui opposait la réalité fictionnelle des récits à la succession empirique des faits. L’individu engagé dans la réalité globale d’une histoire et l’individu quelconque capable des sentiments les plus intenses, les plus complexes ne font plus un seul et même sujet. La science sociale s’est emparé de l’individu engagé, la littérature s’est attaché l’individu quelconque. La science sociale, si elle a repris à son compte les principes aristotéliciens de la rationalité fictionnelle articulant temporalité et causalité, c’est pour en abolir les frontières qui délimitaient un champ trop étroit de validité. Pour elle, le monde obscur des activités matérielles et des faits quotidiens est maintenant susceptible de la même rationalité que les agencements de l’action tragique des élites. La littérature quant à elle, pour inclure dans son travail toutes les activités humaines, a détruit purement et simplement le principe même de rationalité fictionnelle aristotélicien. Récusant les anciennes formes d’articulation entre temporalité et causalité, elle a fait de la puissance inhérente aux choses, aux évènements et aux êtres le principe d’une rupture avec les grands schémas de passage de la fortune. C’est à ce prix que la littérature, mélangeant les temporalités, a pu creuser les potentialités du moment quelconque, du moment vide où la reproduction du même et la possible émergence du nouveau sont en balance. Les différentes lectures de Jacques Rancière mettent à jour ces nombreuses transformations de l’épistémè originelle.

Je n'ai pas tout lu mais l'introduction est passionnante comme toujours chez ce philosophe qui tisse toujours des relations entre l'art ou l'esthétique et la politique d'une façon très pertinente et profonde. Et lisible !